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La culture du kaki en Bretagne et dans les régions littorales du nord de la France.

Présentation

Le kaki également appelé plaqueminier asiatique est cultivé depuis plusieurs millénaires en Chine, Japon et Corée. Le fruit est orange à maturité avec le gabarit d’une tomate. Le goût est doux et sucré, rappelant celui de la datte. Il peut être consommé frais ou séché. Il est aujourd’hui cultivé massivement en Asie, ainsi que dans le sud de l’Europe, Eurasie et Moyen-Orient. Contrairement au kiwi qui conquit l’Occident, le kaki s’est diffusé avec difficulté dans les vergers amateurs. La qualité médiocre des fruits commercialisées en grande surface, l’introduction de variété inadaptées aux étés frais et enfin l’astringence des fruits immatures sont autant de freins à sa popularité en particulier dans la moitié nord de l’Europe. Il n’en reste pas moins que les connaisseurs savent qu’un kaki bien mûr, cultivé dans les règles de l’art est une expérience gustative exceptionnelle. La culture du kaki a donc ses particularités et quelques informations sont nécessaires pour réussir à produire de bons fruits.

La floraison

À partir de fin mai, les kakis peuvent avoir soit des fleurs mâles (étamines), soit des fleurs femelles (pistil), soit des fleurs parfaites (pistil + étamines) ou un mélange de ces 3 types de fleurs sur le même arbre. La plupart des variétés ont uniquement des fleurs femelles ou des fleurs femelles et quelques fleurs mâles ensembles.

Toutes les variétés fruitières sont parthénocarpiques. Ce qui signifie que les fleurs femelles n’ont pas besoin de pollinisation pour former des fruits. Ces fruits seront alors sans graines à l’intérieur. Les fleurs mâles peuvent néanmoins polliniser les fleurs femelles et avoir une influence sur la qualité du fruit (cf. Classification des kakis). Les kakis pollinisés ont plus ou moins de graines qui s’enlèvent facilement en les consommant.

Classification des variétés

La classification actuelle repose sur 2 dimensions : 

  • Le caractère astringent ou non des kakis au moment de la récolte.
  • L’influence de la pollinisation sur la chair du fruit :
    • Variétés “variantes” : la pollinisation a un impact sur la couleur de la chair et, dans certains cas, elle supprime l’astringence du fruit avant maturité physiologique.
    • Variétés “constantes”:  la couleur de la chair n’est pas influencée par la pollinisation.

Ces deux dimensions permettent la formalisation des 4  catégories suivantes : 

  • PCA (Pollination Constant Astringent) :  les fruits sont astringents. L’astringence disparaît lorsque le fruit arrive à maturité physiologique. Le kaki est alors très mou, parfois gluant ou semi-liquide. La pollinisation ne change pas la couleur de la chair.
  • PCNA (Pollination Constant Non Astringent) :  les fruits ne sont jamais astringents. La pollinisation ne change pas la couleur de la chair.
  • PVA(Pollination Variant Astringent) : s’il n’y a pas de pollinisation, les fruits sont comme des PCA. La pollinisation fait varier la couleur de la chair avec des teintes brunes. En cas de pollinisation : seule la chair qui entoure les graines est non astringente. Avant maturité physiologique, les PVA peuvent donc être partiellement astringent si le nombre de graines est insuffisant. Mais à terme, lorsque la maturité physiologique est atteinte l’astringence disparaît totalement.
  • PVNA (Pollination Variant Non Astringent) : s’il n’y a pas de pollinisation les fruits sont comme des PCA. S’ils sont fécondés (même avec seulement 1 graine), ils ne sont pas astringents et la couleur de la chair change avec des teintes brunes.

Les 4  catégories sont comestibles et délicieuses. Certaines personnes préfèrent les kakis non astringents car on peut les manger lorsqu’ils sont durs avant complète maturité physiologique. D’autres préfèrent les kakis dont la maturité physiologique est totale. La texture sera très molle, pulpeuse voire sirupeuse.

Maturation des fruits

Une partie des fruits qui se sont formés va chuter. C’est le plus souvent lié à la capacité de l’arbre à les faire maturer donc un mécanisme de régulation normal. Mais on peut également voir des chutes de fruits très importante en cas d’accident climatique, en particulier l’excès d’eau en fin d’été lors de mois d’aout et septembre exceptionnellement pluvieux.

Maturité de récolte : lorsque le fruit est de couleur orange, on peut le récolter. Il continuera sa maturité par la suite.

Maturité physiologique : lorsque le fruit est devenu totalement comestible, que l’astringence a disparu (pour les variétés PCA, PVA, PVNA non pollinisé). C’est à ce moment qu’on le mange.

Contrairement à une croyance répandue, les variétés astringentes ne nécessitent pas le passage de gel pour déclencher la maturité des fruits. L’astringence disparaît simplement par la maturation normale du fruit qui se fait soit sur l’arbre soit durant le stockage. Le gel détruit les fruits. Donc, dans tous les cas il faut récolter les fruits avant l’arrivée du froid et les conserver dans un lieu hors-gel.

Choix des variétés pour les climats à étés frais

La bonne rusticité du kaki en période de dormance lui permet de résister très largement aux hivers bretons. Toutefois les gelées tardives en avril-mai peuvent occasionner des dégâts sur les jeunes pousses. Cela concerne surtout les jeunes arbres qui viennent d’être plantés. Les kakis déjà installés sont parfaitement résilients et si le froid occasionne des dégâts il y a aura de nouvelles pousses sans difficultés qui prendront le relais des bourgeons détruits.

Le véritable enjeu, en Bretagne et pour la moitié nord de la France, est plutôt sur la maturation des fruits. Les possesseurs de kakis du Nord-Ouest de l’Europe ont remarqué qu’une partie seulement des variétés pouvaient réaliser leur potentiel gustatif dans un climat à été frais avec une saison courte.

Les meilleures variétés doivent réunir ces deux critères quelle que soit leur catégorie :

  • La précocité
  • La capacité à élever le taux de sucre et à développer les saveurs malgré des températures basses.

Sauf à de rares exceptions, les variétés astringentes (PCA, PVNA, PVA) offrent les meilleures qualités gustatives dans nos climats. Ce sont les kakis des connaisseurs. Mous, pulpeux, très sucrés. tels que Nishimura Wase, Tone Wase, Hiratanenashi, Mikatani gosho.

Il y a également d’excellents résultats avec les hybrides issus du croisement avec l’espèce voisine Diospyros virginiana. Les fruits sont généralement plus petits que le kaki et le goût rappelle parfois les arômes complexes du virginiana. Parmis les variétés hybrides les plus intéressantes on peut citer Nikita’s gift ou Kasandra. Bien que particulièrement résistant au froid en période de dormance, ils n’ont aucun avantage face aux gelées tardives.

En matière de plaqueminier, la création variétale paysanne avance vite et dans des directions différentes des organismes de recherches officiels. Par conséquent on voit régulièrement arriver de nouvelles variétés qui sont sélectionnés pour le nord de l’Europe. J’en récupère régulièrement pour des évaluations à Beauchêne et j’espère pouvoir en diffuser certaines dans les années qui viennent.

Le cas des PCNA

Les PCNA sont plutôt utilisés pour la commercialisation. Il n’y a pas à trier les fruits puisqu’ils ne sont jamais astringents ce qui est très pratique pour le producteur qui peut vendre dès la récolte un kaki consommable. Cela est moins intéressant pour le consommateur qui chercherait la meilleur expérience gustative. Rares sont les petits producteurs qui s’emploient à surmonter cette problématique de l’astringence en apportant les bonnes informations au client et en acceptant de surveiller ses stocks pour vendre les kaki qui commencent à blettir. Des PCNA donc pour surmonter ce problème mais tout n’est pas si simple avec un climat frais…

En Bretagne, rares sont les variétés PCNA qui répondent au critère déjà mentionnés de bonne maturation à températures basses. Par exemple, une variété très précoce comme Izu semble un bon choix a priori mais malheureusement dans les régions océanique à été frais le goût est plutôt fade avec un manque de sucre. Une exposition plein soleil avec une conduite en palmette contre un mur orienté sud peut toutefois être envisagée pour obtenir un résultat valable.

La variété Fuyu semble assez répandue en France. Il faut faire attention car cette appellation été utilisée pour des variétés différentes. Il faut donc s’assurer auprès des pépiniéristes que le Fuyu qu’il propose est bien un PCNA dont les caractéristiques conviennent au climat.

Si l’on souhaite planter du PCNA en verger de plein vent en Bretagne, il faut des variétés ultra-précoces et capables de développer des saveurs et du sucre malgré les températures fraîches. Matsumoto Wase Fuyu a montré de bien meilleurs résultats que les autres variétés de cette catégorie. Il s’agit d’une mutation plus précoce du vrai Fuyu Japonais. Malheureusement son incompatibilité avec le porte-greffe D. lotus a freiné sa diffusion. D’autres variétés PCNA prometteuses sont en cours d’essais aux Jardins de Beauchêne Shinshu et différentes variétés coréennes.

Multiplication

La rhizogenèse adventive, c’est à dire la capacité à développer des racines sur la tige, est quasi-absente chez le kaki. Par conséquent le bouturage et le marcottage des variétés ne fonctionnent pas. Il faut donc greffer sur les porte-greffes suivants :

Diospyros kaki : la croissance des kakis issus de semis est faible. L’enracinement n’est pas très performant.

Diospyros lotus est le porte-greffe le plus utilisé. Il confère une bonne vigueur au kaki, un démarrage précoce en saison et une maturité des fruits plus précoce sur certaines variétés. Malheureusement certaines variétés PCNA sont incompatibles notamment Matsumoto Wase Fuyu (MWF). Il se plait dans les bons terrains riches en matière organique et supporte assez mal la saturation en eau durant l’hiver et le printemps.

Diospyros virginiana : un porte-greffe qui se caractérise par un enracinement en pivots ou multi-pivots. La transplantation est difficile en racines-nues. Les pépinières qui greffent sur virginiana le font en pot (avec un risque de chignonage). La crise de post-plantation peut durer 1 ou 2 ans. Le débourrement plus tardif d’environ 1 semaine par rapport aux plants greffés sur D. lotus permet une meilleure résistance aux gels en avril. Par contre, une maturité des fruits plus tardive a été observée sur certaines variétés comparativement au greffage sur D. lotus. La compatibilité est bonne avec toutes les variétés de kaki. Très bonne résistance à la sécheresse et aux grands froids. Un très bon choix pour un terrain situé à l’intérieur des terres, moins pour la zone littorale. Des essais sont en cours à la pépinière pour proposer des plants en motte greffés sur ce porte-greffe.

Diospyros lotus + intermédiaire kaki : Cette technique permet d’obtenir les avantages de D. lotus y compris pour des variétés qui seraient incompatibles. Une variété de kaki compatible avec lotus est greffée puis on greffe sur ce plant la variété incompatible. Exemple : on greffe la variété Matsumoto Wase Fuyu sur un scion d’1 an de Mikatani Gosho lui-même greffé sur lotus.

Un rang de plaqueminier en pépinière qui seront commercialisé en fin de saison. Au premier plan on reconnait les feuilles d’un hybride kaki x virginiana.
Plusieurs variétés ont un feuillage rouge en novembre au moment de la chute des feuilles.

Taille et conduite de l’arbre

Un premier élément à prendre en compte est que le bois de plaqueminier est cassant. Il faut donc choisir une forme solide, capable de résister à de fortes rafales. J’ai une préférence pour l’axe central et les gobelets bas. Mais on peut également former des palmettes à conditions de bien attacher les branches.

Toutes les tailles de structuration peuvent être faites en février, période de dormance dans laquelle les bourgeons n’ont pas encore commencé à prélever des ressources pour leur développement.

Un kaki non taillé deviendra inutilement volumineux. La fructification apparaît sur les rameaux en cours de croissance. Ces rameaux fructifères sont en partie médiane ou distale de la branche qui les porte. Cela a pour conséquence que la fructification s’éloigne continuellement du centre de l’arbre, laissant la zone autour du tronc totalement improductive. La taille va permettre de garder un arbre compact et productif, avec des fruits proches du tronc.

On peut se contenter de tailles d’élagage, de simplification (coupe les parties pendantes en revenant plus proche du centre de l’arbre) et de restructurations périodiques et ça marche assez bien. Le kaki a une tendance au repercement c’est à dire à former de nouvelles pousses sur du vieux bois. On peut donc facilement restructurés des arbres devenus trop volumineux avec un centre improductif.

L’observation en verger professionnel en Espagne peut donner quelques pistes de réflexions pour optimiser encore d’avantage la production des kaki mais il faudra vérifier avec le temps si on peut en partie généraliser ces retours d’expérience au climat breton. Voici quelques éléments de réflexion : 

  • Les rameaux de l’année qui arrêtent leur croissance tôt en saison (par exemple au mois d’août) vont porter beaucoup de rameaux fructifères l’année suivante. Il ne faudrait donc pas tailler ces branches. À l’inverse les rameaux qui continuent leur croissance jusqu’en hiver ont moins de chances de former des rameaux fructifères l’année suivante.
  • L’accumulation de nutriments dans les bourgeons et feuilles sur les rameaux qui ont arrêtés leur croissance tôt en saison jouerait un rôle dans l’induction florale. Par conséquent, la taille en vert des gourmands en laissant environ 25 cm pourrait mimer ce phénomène dans le but d’augmenter la production de rameaux fructifères.
  • Attention toutefois, tailler en vert trop de branches d’un seul coup va produire des réactions végétatives. Ces interventions doivent donc se faire de manière progressive sur les mois de juillet/août/septembre en commençant par les gourmands les plus vigoureux. De cette manière, on évite le démarrage des bourgeons sur la branche taillée.
  • Pour aller plus loin :  Centro de Experiencia de Paiporta : Boletin Informativo. Poda en verde del caqui https://www.cajamar.es/storage/documents/boletin-huerto-174-1496660226-c0ba5.pdf. Et Emilio Mataix « El Cultivo del caqui ».

Pour tous les rameaux qui ont fructifié, on taille court en février ou au moment de la récolte (novembre). D’ailleurs les japonais prélèvent souvent la branche entière avec les fruits dessus au lieux de récolter fruits par fruits.

Aspect lustré et vert profond. Les feuilles de kaki en pleine saison de pousse ont un caractère hypnotique.
Jeune plaqueminier de la variété ‘Tone Wase’. 4 ans après plantation.

Récolte et stockage

Un plaqueminier adulte donne très facilement autour de 90 kg de fruits par an. Lorsque les fruits sont colorés on peut les récolter. Plus on attend mieux c’est mais il faut impérativement récolter avant les premières gelées et avant que les oiseaux attaquent (les fruits blessés ne pourront pas murir correctement). Les variétés PCNA peuvent être mangées directement ou laissées à maturer un peu.

Pour les variétés astringentes il faut les stocker à température ambiante en évitant des températures trop basse et venir vérifier régulièrement pour prélever les fruits qui ont atteint la maturité physiologique. La coloration est devenue plus intense, la texture est molle et la peau a pris un aspect nacré. Certaines variétés vont mûrir très vite et ne se conserveront pas très longtemps. D’autres n’atteindront la maturité qu’au bout de plusieurs mois. Certaines variétés comme Mikatani Gosho ont des fruits qui mûrissent de façon échelonnée entre novembre et janvier. J’ai même pu manger des kaki de la variété Maru en février.

En plus de se manger crus on peut faire des fruits séchés que l’on nomme au Japon Hoshigaki. Le séchage est très simple. Il suffit de peler le fruit juste après récolte lorsqu’il est encore dure et astringent et de le suspendre avec des ficelles dans un endroit chaud, sec et ventilé. Généralement on laisse un segment de branche avec le fruit afin de facilité l’attache de la ficelle. Ensuite il suffit d’attendre quelques jours à quelques semaine. Les Hoshigaki mi-secs de 2 semaines environ sont à mon avis les meilleurs. Les variétés Tone Wase et Hiratanenashi de par leur précocité, leur forme non côtelée et leur calibre moyen se prêtent particulièrement au séchage dès octobre. Par la suite en fin novembre / début décembre on peu utiliser la variété tardive Hachiya qui la variété communément utilisée au Japon pour la confection des Hoshigaki.

Variété ‘Tone Wase’ avec sa forme légèrement cubique.

Axes de travail pour le futur

Mon travail de sélection pour la pépinière s’oriente vers : 

  • La recherches de cultivars kaki astringents à chair foncée. Ils ont d’après mon expériences les meilleurs caractéristiques gustatives. Ce sont pour la plupart des variétés anciennes japonaises.
  • La recherches et la création d’hybrides kaki x virginiana à fleurs mâles issus de lignés intéressantes.
  • La création variétale par le croisement [kaki à chair foncée] x [kaki x virginiana].
  • Les essais concernant une production en mottes de plaqueminiers greffés sur D. virginiana afin d’augmenter la résistance aux gelées tardives pour les zones les plus froides et la possibilité de plantation dans les environnement difficiles (sècheresse, sols pauvres…).

Biblio, Vidéos

Agrosostenibilidad : poda en verde del caqui : https://www.youtube.com/watch?v=mJOFSthk-9Q

Centro de Experiencia de Paiporta : Boletin Informativo. Poda en verde del caqui https://www.cajamar.es/storage/documents/boletin-huerto-174-1496660226-c0ba5.pdf

Choi, Seong-Tae & Park, Doo-Sang & Kang, Seong-Mo. (2011). Nutrient Accumulation and Flower Bud Formation Affected by the Time of Terminal Bud Set on Water Sprouts of Persimmon. HortScience: a publication of the American Society for Horticultural Science. 46. 10.21273/HORTSCI.46.3.523.

Pépinière Demoerbeiboom en Belgique. Dirigée par Dithmar Guillaume, l’un des plus fameux spécialistes pour les régions du nord de l’Europe. Il a grandement aidé à la diffusion des variétés Mikatani Gosho et Matsumoto Wase Fuyu en Europe. Il est également engagé dans la création de variétés nouvelles (http://demoerbeiboom.be/).

Shiraishi M., Asakuma H., 2020. Varietal differences in sweetness value and flesh juiciness among persimmon. ­ Adv. Hort. Sci., 34(1): 71­79.